vendredi 7 juillet 2017
La Corse… Cela fait 15 ans déjà qu’on arpente ses plages et son littoral façonné par le vent et les vagues, sans jamais s’en lasser. Mais dans tous nos voyages et explorations, on suis quand même le même chemin, celui de nos endroits favoris, fétiches, qu’on doit absolument voir à nouveau, au détriment de ces lieux moins connus, qui pourtant, reflètent toute la diversité de l’île de Beauté.
Aujourd’hui cela va changer. On loue une voiture pour découvrir les trésors cachés du Cap Corse.
Dans l’ère de l’internet c’est tellement facile: on ouvre un navigateur, on tape quelques mots clés et voilà… Toutes les agences de location du coin apparaissent, avec le comparatif des prix et des prestations. On ne s’attarde pas sur le détails et on choisie une petite Ford Fiesta pour une cinquantaine d’euros à la journée. Comme dans une boutique on met l’article dans le panier, on valide les dates, les assurances… C’est parfait. Le récapitulatif avant le paiement: 57€50, on met le numéro de la carte bancaire et on valide. La confirmation s’affiche sur l’écran: “Nous vous remercions pour votre paiement de 857€50 à l’ordre de l’agence…” ???
– Sur quoi t’as appuyé? – j’accable tout de suite Patrick.
– Mais sur rien, se défend mon mari. T’as bien vu comme moi, il y a deux secondes c’était 57€…
Flairant l’arnaque je m’empare de l’ordinateur à la recherche d’un vice cachée, d’une phrase écrite avec les caractères défiant même les yeux d’un aigle… Et je trouve enfin: la caution de la voiture – 800€! La bonne nouvelle est que, si on roule bien tranquillement et respecte les règles décrites sur les 6 pages des conditions d’utilisation, normalement, cette somme devra nous être restituée dans son intégralité. Normalement…
Un peu sonné par cette découverte Patrick part en solo récupérer la voiture. A cause de Kiki, on triche un peu à chaque fois. Pour ne pas donner aux loueurs de voitures l’occasion d’augmenter les frais par le petit supplément “aspiration des poils d’une crinière de loup” on omet “par inadvertance” notre chien dans le nombre de passagers signalés. Ma maman m’a toujours dit, ce que les yeux ne voient pas, le cœur ne regrette pas… De toute façon avec nos précautions habituelles: une grande serviette sur le plancher et les lingettes, on est à peu près sûrs de ne pas laisser de traces de sa présence.
Une fois Patrick parti, on prépare avec Julie nos sacs: un avec la nourriture saine et équilibrée (chips, saucisson, fromage…), un autre avec les chaussures de randonnée pour Julie et moi (on va peut-être arriver jusqu’à Monte Cinto, le plus haut sommet de la Corse – qui sait?), un suivant avec les chaussures de Patrick, qui n’ont pas pu rentrer dans notre sac, et enfin le dernier, avec les serviettes et les affaires de Kiki. On dirait qu’on part pour un bivouac de 10 jours…
On est presque prêt quand mon téléphone se met à sonner. C’est mon cher et tendre:
– Ewa, tu peux me ramener mon portefeuille s’il te plaît? – dit t-il sans ménagement – et assez vite parce que la dame est en train de faire les papiers…
en Corse les distances ne se mesurent pas en kilomètres mais en temps nécessaire pour les parcourir
On part définitivement de Bastia à 11h30. Dans le coffre, le moteur du zodiac se balance joyeusement en attendant la visite chez le réparateur. Ce matin Patrick a trouvé un garagiste à Macinaggio susceptible de nous dépanner, mais comme on n’arrivera jamais chez lui avant midi, on doit attendre 14h pour lui rendre visite. Eh oui, en Corse les distances ne se mesurent pas en kilomètres mais en temps nécessaire pour les parcourir. Mais ce n’est pas grave, il a tellement de choses à voir sur la route…
On n’est pas encore sortie de Bastia que je m’écrie:
– Stooop! Arrête la voiture!
– Mais t’es folle – répond Patrick en ralentissant – arrête de crier. Qu’est-ce qu’il y a?
– Il y a une jolie vue sur Elbe d’ici…
Bref, Patrick ne s’arrête pas, mais ralenti un peu, du coup j’ouvre la fenêtre de mon côté à fond et je mitraille le paysage dehors en espérant qu’au moins une image serait correcte pour rendre la beauté de cet endroit.
Au départ je referme la vitre après chaque “session” mais au bout de moment, et malgré les protestations de Patrick et la clime à fond, je la laisse ouverte pour de bon. L’air chaud et poussiéreux s’engouffre dans la voiture, mais au moins je suis prête, le doigt sur le déclencheur.
Notre première escale officielle c’est Erbalunga, un petit village de pêcheurs, s’enfonçant dans la mer. Les maisons, construites sur des blocs de roche, donnent directement sur une crique aux eaux turquoises, entourée par des bougainvilliers. Ruelles pavées, petits passages étroits et mystérieux, une place principale, accueillante et pleine de vie, et ensuite la plage avec ses galets ronds et glissants. Celle qui profite le plus c’est Kiki, qui n’arrête pas ses ronds dans l’eau, à la recherche des cailloux que Julie lui lance de la plage. Un petit rafraîchissement à l’ombre des parasols, autour d’une Pietra pour nous, et d’un jus d’ananas fraîchement pressé (succulent!) pour Julie et nous repartons en direction de Macinaggio.
Il est midi bien passé et nos estomacs nous réclament un petit en-cas. Devant nous la baie de Pietracorbara avec sa plage au sable fin – idéale pour le pique-nique. Installés sur nos serviettes à l’ombre d’un tamaris, nous profitons à fond de ce moment de farniente familiale. Que la vie est belle!
Que la vie est belle!
On continue notre route et bientôt des nouvelles bâtisses apparaissent sur l’horizon. Par rapport à tous les petits villages qu’on vient traverser, Macinaggio a l’air d’une grande ville. Beaucoup plus de trafic (relativement bien sûr), les panneaux dans tous les sens… On repère le port et Patrick nous dépose à la plage avant de retrouver le garagiste. Julie est aux anges: la baie de Macinaggio lui rappelle la Rondinara (son endroit préféré au monde), avec ses eaux claires et peu profondes, où on peut s’enfoncer à une cinquantaine de mètres du bord et toujours avoir l’eau jusqu’aux genoux. Sans ôter mon short, de peur que mes bleus choquent les touristes autour, je me promène le long de la plage quand une bourrasque de vent lève la mer et avec un bruit assourdissant renvoie des grosses vagues une après l’autre se cracher sur le sable. 5 minutes après tout est calme à nouveau. Un quart d’heure plus tard le même spectacle recommence.
– C’est toujours comme ça au Cap Corse, m’explique Patrick qui vient de nous retrouver. C’est pour ça qu’il faut se méfier du bon temps ici, rajoute il d’un ton fataliste avant de rejoindre Julie pour une partie de sauts, d’éclaboussures et de courses-poursuites.
Tout va pour le mieux: le moteur est entre de bonnes mains et nous devons le récupérer demain matin, le temps est magnifique et nous avons tout un après-midi pour poursuivre notre exploration du Cap Corse. Nous remontons, non sans regrets pour certains, vers la voiture pour traverser la pointe du cap vers la côte ouest. La première vue des hauteurs nous coupe littéralement le souffle: la mer, sans la moindre vague, souligne encore davantage les côtes abruptes de l’île… Nous sommes plusieurs à admirer ce paysage, certains courageux sont venus jusque ici à vélo, d’autres, comme nous, en voiture. Mais tous on est bouche bée devant la beauté et la grandeur de la nature.
Je mitraille toujours les paysages autour, les pieds surélevés pour ne pas déranger Kiki, assoupi après les exploits de la plage, avec l’appareil greffé pratiquement à mon œil gauche. On traverse de villages minuscules, où entre les panneaux d’accueil et de la fin il n’y a même pas 50 mètres.
– C’est pour ça que la vitesse est limité à 30 km/h ici, m’explique Patrick. Sinon tu pourrais rater le village.
Pas faux. Résumés à quelques maisons à peine, ces petits lieux d’habitation, éloignés de tout et de tous ont quelque chose de mélancolique. Là, un vieux monsieur assis devant sa porte d’entrée sur une chaise abîmée, nous fait un signe de main en souriant chaleureusement…
Les paysages des criques aux eaux turquoises s’enchaînent et à chaque fois je descends de la voiture pour me faufiler entre les roches et les buissons piquants à la recherche d’un meilleur point de vue pour ma photo.
Julie s’endort sur le siège arrière et nous aussi, on commence à bailler de plus en plus souvent, éprouvés par l’intensité du paysage, le soleil, la voiture et les virages… Patrick trouve un tout petit coin d’ombre juste au bord de la route et on sombre instantanément dans les bras de Morphée. Une demi heure plus tard le bruit de moteur et la voix de mon mari me sortent brusquement du pays des songes.
– Ewa, rentre tes jambes à l’intérieur, on va partir.
J’ouvre mes yeux pour me rendre compte la position ridicule que j’arbore: complètement affaissée sur le siège, les deux jambes sortant par la fenêtre à force de manquer de place. Mon corps est tout engourdi mais au moins je ne plus sommeil. On reprend notre descente vers la ville de Saint Florent.
Le port est une immense “usine à gaz”, entouré par des parkings payants et les policiers qui gèrent le trafic. Les bateaux de toutes les tailles sont parqués sur des nombreux quais, faisant penser plutôt à la marina de St Tropez qu’au Cap Corse. Après avoir réveillé Kiki, endormie à fond sous mes pieds, on préfère se réfugier à l’intérieur de la ville, qui heureusement garde encore son aspect pittoresque et mignon. Tout de suite Patrick repère un petit magasin de pêche et, suivie par Julie lui emboîtant le pas, ils disparaissent dans l’antre de la boutique. En sortant, une vingtaine de minutes plus tard, ils arborent tous les deux un sourire de satisfaction: avec leur nouvelle acquisition aucun thon ne résistera…
On flâne encore quelque temps dans les vielles ruelles mais la fatigue commence à nous rattraper. Nous rebroussons le chemin pour rentrer à Bastia par les terres, à travers la montagne et la région viticole: Patrimonio. Mais ce n’est pas le vin qui nous incite à faire une halte, mais la bière. Et bio en plus… Un petit hameau isolé, accueillant, verdoyant et plutôt original, bordé par le houblon. La serveuse se fait attendre malgré nos coups de sonnette intempestifs, mais une fois arrivée, elle nous fait goûter son breuvage mystique. Très foncée et extrêmement forte (9%) la bière bio est plus proche de la Leff ou des bières irlandaises que des Pietra ou des Colomba qu’on a l’habitude de savourer en Corse, et dont la dame n’a aucune estime d’ailleurs. On prend quand même deux bouteilles (de 75 cl!), pour approfondir notre “culture générale” dans ce domaine, mais je suis sûre qu’elle ne deviendra pas ma boisson préférée ici.
La route de retour est courte mais aussi sinusoïdale que celle de la côte. Au bout d’une dizaine de minutes on passe le col de la chaîne montagneuse et l’agglomération de Bastia apparaît en contre bas. La boucle est bouclée… mais un sentiment de manque, de pas assez, persiste. On a gratté la partie superficielle et maintenant une nouvelle envie, de connaître toute la profondeur et la diversité du Cap Corse est née. Mettre les pieds sur chacune des plages, s’arrêter pour discuter avec les habitants de chaque petite bourgade, arpenter les collines verdoyantes et les falaises abruptes…
De retour sur le bateau Julie en démord pas et réclame la baignade en zodiac. Un peu à contrecœur nous ramons vers “notre” endroit et nous glissons dans l’eau. En contact avec la fraîcheur de la mer une sensation de brûlure me déchire les cuisses et le bras droit. Je ressors pour vérifier si ce n’est pas une méduse qui vient de me piquer, mais non. C’est un petit souvenir d’une journée au soleil à cause d’une vitre ouverte… La nuit risque d’être difficile… mais ça valait la peine.
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