Jeudi 2 juillet 2015
Après une bonne nuit de sommeil nous sommes prêts à récupérer notre cher Carpe Diem, mais au lieu de le diriger vers le grand bleu et le merveilleux monde d’aventures marines, Patrick et Julie remettent le cap sur Port Fréjus, avec une très forte intention de le quitter avant la tombée de la nuit. Il nous restent beaucoup de petits et un peu plus grands détails à régler, comme par exemple, monter en haut du mât pour changer la poulie de la drisse de spi, qui cette année va desservir notre nouvelle voile : le gennaker code 0. Ce petit joujou de Patrick, va, selon lui, changer notre façon de naviguer, en multipliant au moins par deux la vitesse du bateau.
Je reste plutôt sceptique, comme souvent face aux innovations de mon mari (même si je dois admettre que l’ouverture d’eau du robinet dans la cuisine sur une simple pression du genou sur la porte du placard en-dessous s’avère assez pratique en fin du compte…) et je me positionne en bas du mât, prête à escalader les 20 mètres de hauteur. Bon, pas tout à fait « escalader » mais plutôt « être tirée » jusqu’en haut, mais ça compte aussi. Après une petite mésaventure il y deux ans à Noël, quand, en voulant installer nos guirlandes lumineuses sur le mât, la fermeture de ma chaise s’est casée, me laissant descendre le dernier mètre et demi en vitesse accélérée, Patrick prend beaucoup plus de précautions quand il s’agit du matériel d’escalade. Et là, il s’est dépassé. La belle chaise rouge, très professionnelle à premier coup d’œil, possède tellement de sangles, de trous et de fermetures, qu’il me faut bonnes 5 minutes pour découvrir où dois-je mettre mes jambes. Mais la suite n’est pas plus simple : on n’arrive pas à resserrer les liens et je l’impression que chaque partie de mon corps est emprisonnée dans un harnais indépendant. Bizarre – je me dis, mais Patrick réussit à me convaincre qu’une fois en l’air ça ira mieux. J’essaie donc de me laisser porter et là, je me retrouve dans la position horizontale, avec la tête dans le vide… Décidément je ne pas compris le mode d’emploi de ce bijou de la technologie du XXI siècle et avec un grand soulagement, j’accepte la proposition de Jo, notre voisine et amie, de nous prêter sa chaise. Un seul souci : elle est resserrée à la taille de ses utilisateurs : Tom et Olivier, un peu (beaucoup) plus sveltes que moi, et c’est plutôt gênant de me tortiller dans tous les sens sur le pont du bateau, pour réussir enfin à l’enfiler. Mais ensuite c’est du gâteau… Hissée par le guindeau jusqu’en haut, et confortablement assise, je peut profiter d’une vue magnifique sur le port, la plage et la mer…
Les cris de Patrick, provenant de très loin, me ramènent à la réalité et je me mets au travail. En bricolant à cette hauteur je ne peux pas m’empêcher de réfléchir sur la profondeur du trou que laisserait ma pince dans la coque, si par pur accident je la laisserais tomber… Juste le plancher ou peut-être à travers ? Ben je crois qu’il vaut mieux rester ignorant dans la matière et ne pas tenter l’expérience… Je fini en vitesse de fixer la nouvelle poulie et je me concentre sur la partie n°2 : la photo aérienne. C’est une occasion en or pour quelques clichés insolites, et peut-être même un petit film ? Malheureusement Patrick n’est pas très compréhensif au sujet de mes activités artistiques et il décide de me faire descendre (du mât, bien sûr). Une chose de fait.
La suite du programme concerne les aspects du bateau dont j’ignore complètement : le niveau de l’huile, les impellers (c’est quoi?), le convertisseur (ça je sais ! C’est pour que mon ordi puisse marcher en mer!) etc. etc. Bref, la soirée arrive et nous sommes toujours sur notre quai U. A contre-cœur on remet le départ au lendemain, ne sachant pas que notre vœux est condamné à l’échec. Le samedi arrive et nous sommes toujours là…
Dans l’après-midi, quand tous les détails techniques sont enfin résolus, ou presque, il arrive le temps d’essayage de notre nouveau moteur d’annexe. C’est un engin électrique d’un autre monde, respirant la modernité et le design ultra hight-tech, et je peux pas m’empêcher de remarquer que c’est presque un pêché d’installer cette petite prouesse sur notre vieux zodiac. Malheureusement Patrick n’est pas de mon avis et rejette rapidement et catégoriquement ma requête d’un annexe à fond transparent, mieux assorti à cet ouvre d’art motorisée. Il part avec Julie en premier voyage de reconnaissance, vers les entrailles de Port Fréjus. Une trentaine de secondes après leur départ, j’entends une petite voix crier : « Maman ! On est en panne ! » Hmm, une prouesse de technologie…
Par chance Patrick est de nature bricoleur et il réussit de contourner rapidement le problème du fusible de la batterie du moteur. Ils reviennent pour nous embarquer, Jo, Kiki et moi pour une balade plus ambitieuse : la sortie du port. On part à 5, accompagnés uniquement par le petit bruit de vagues derrière l’annexe. Le plus grand avantage du moteur électrique est incontestablement le très réduit nombre de décibels qu’il dégage. On voit les autres plaisanciers se retourner à notre passage, en réfléchissant : « Comment ils peuvent se déplacer aussi vite sans moteur ?» Ha ! Et en plus c’est entièrement écologique… au moins le temps de vie d’une batterie de 30 kilos…
On sort devant le port, en constatant avec joie que notre nouveau jouet est aussi efficace dans les eaux plates de la marina qu’en mer ouverte, et on se dirige vers l’énorme paquebot en escale pour la journée dans la baie de Fréjus. En voyant de près l’immensité de cette structure flottante, avec ses innombrables cabines et quelques trois ou même quatre mille passagers, on est quand même assez stupéfaits de compter uniquement une petite douzaine de bateaux de survie… C’est peut être marqué sur le billet si notre tarif comporte le sauvetage en mer éventuel ou si c’est « one-way ticket ». Bizarre quand même. La sinistre histoire du Titanique ne nous a pas appris grande chose en fin de compte.
Il est temps de rentrer, mais avant, on accorde à Julie et Kiki le droit à une petite baignade après une journée aussi fatigante pour l’une que pour l’autre. A peine entrées dans les eaux de la baie, qu’on entend une petite voix « Vous pouvez nous aider, s’il vous plaît ? ». On regarde autour étonnés, pour apercevoir un peu plus loin un canoë jaune avec à son bord, une jeune fille et deux petits garçons. Braves que nous sommes, nous extirpons malgré leurs protestations nos deux baigneuses de l’eau et nous partons à la rescousse ! Les jeunes touristes sont parties pour une balade en mer, mais à présent, le retour de la houle les empêchait de regagner la plage. Sans hésitation, on détache le bout d’amarrage du zodiaque pour les remorquer, non sans difficultés, vers le rivage. Le problème est, que la fille ne sait pas exactement d’où elle est partie, et on tourne un petit peu en rond dans la zone réservée aux baigneurs. La réponse des maîtres nageurs ne se fait pas attendre : en voilà un, à fond les manivelles dans son zodiac de grand, qui arrive en criant : « Monsieur ! Vous n’avez pas le droit d’utiliser votre bateau dans la zone de 300 m ! ». Patrick lui répond tout calmement « Excuse-nous de vouloir faire passer la sécurité des gents dont Vous avez la responsabilité, devant vos règles absurdes ». Le garçon se calme aussitôt, jette un cou d’œil rapide à la charmante fille dans le canoë, puis, en reprenant le cordage de ses mains, il déclare : « Je prends le relais ». Je lève ma main, telle une petite écolière : « C’est parfait, sauf que là, vous êtes en train de nous remorquer nous… ». Après un petit moment de stupéfaction, le jeune sauveteur réussi à embarquer tout le monde, le canoë y compris, à bord de son zodiac et il repart vers la plage.
Pour nous aussi c’est vraiment le temps de rentrer et remis de nos émotions on se dirige tranquillement vers l’entrée du port, quand Julie, dépourvue de sa baignade promise par notre acte héroïque, nous supplie : « S’il vous plaît, juste un saut, un seul ». On est faibles face à la mue de notre fille et Patrick arrête le moteur pour qu’elle puisse exécuter son saut périlleux du bord de l’annexe. Mais ce qu’on n’a pas prévu, c’est que Kiki va suivre sa jeune maîtresse en se jetant à l’eau, mais, contrairement à cette dernière, elle ne reste pas à coté de nous, mais nage à une vitesse hallucinante vers la plage et ses quelques centaines de touristes… On a beau crier, menacer, appâter… rien y fait. La chienne a parcouru déjà une cinquantaine de mètres quand notre maître nageur familier apparaît à bord de sa carrosse gonflable. « Monsieur ! » – crie-t-il « il est interdit de ramener les chiens sur une plage publique ! ». Le stoïcisme du Patrick mérite les félicitations : « Mais on ne la ramène pas, monsieur. Elle est sortie du bateau toute seule quand la petite a sauté et ensuite, elle est allé vers la plage, malgré notre forte opposition. On n’y est pour rien » Le visage du jeune sauveteur s’adoucit : « Bon, mais il faudra la récupérer. On va avoir des problèmes si quelqu’un se plaigne » « Il n’y a pas de soucis, on vous suit » je réponds, contente qu’il ne nous sermonne pas. Mais à peine on parcours quelques mètres, on voit déjà Kiki immerger sur la plage, et comme au ralentit, elle prend de l’élan pour se secouer au milieu de la foule des vacanciers affolés par son apparition soudaine. Jo éclate de rire. Et là, on voit arriver le clone de notre maître nageur mais en version terrestre, qui essaie attraper Kiki. Pas une bonne idée, car la chienne, pensent que c’est un jeu rigolo, se met à aboyer, couché sur ses pattes avant, les fesses haut perchées et la queue remuant avec une joie incontrôlée. On ne peut plus, et tout notre zodiac pouffe de rire. Malheureusement le second sauveteur n’a pas autant de compréhension et du sens d’humeur que son binôme marin, et commence à nous engueuler de loin : « Çà vous fait rire ? Ce n’est pas rigolo du tout ! Ramassez tout de suite votre chien !! » En fait c’est plus qu’hilarant, mais pour apaiser la situation j’envoie Julie, de toute façon déjà mouillée, à rejoindre la plage pour récupérer notre fugueuse. Mais Kiki n’a pas tellement envie de revenir, et cours comme une folle parmi les touristes, Julie à ses traces. Je me sacrifie et je saute dans l’eau à mon tour pour finir cette mascarade. En courant sur la plage j’entends encore le maître nageur s’égosiller et Patrick lui répondre de plus en plus fort « Mais on n’a pas fait exprès, bon sang. Calmez-vous… ». Il faut qu’on parte en vacances… Vite…
Je retrouve Julie et Kiki au bateau, et quelques instants plus tard Jo et Patrick, toujours morts de rire, viennent nous rejoindre. Je suis toute exténuée, mais je pars quand même pour quelques dernières courses, déterminée plus que jamais de partir le soir même ou jamais.
Vers 10 heures du soir on réussit à quitter notre quai. Enfin. Même si on ne va pas aller loin ce soir, ça y est : nos vacances viennent de commencer. YES! Juste une petite escale à la pompe d’essence du port… Notre arrimage est plutôt réussi : je saute sur le quai et passe vite une amarre à Julie à l’avant du bateau et l’autre à Patrick, à l’arrière et le tour est joué. Mais le souci vient ensuite : aucune de nos cartes ne fonctionnent pas avec les distributeurs de gas-oil automatiques. Après plusieurs tentatives on se rend à l’évidence que ce n’est pas ce soir que tout va aller comme on veut et qu’on n’a qu’une seule solution : partir quand même. Gardons le morale, allez ! En détachant les amarres on se rend compte que Kiki n’est plus à bord – on la voit quittant précipitamment le chantier, visiblement pas tout à fait d’accord sur le projet de passer les 7 semaines suivantes en mer. Avec Julie on effectue une petite course nocturne, pieds nus, jusqu’à l’entrée du chantier et on traîne , presque de force, notre chienne de retour au bateau.
La sortie du port est comme une bouffée d’air frais… Enfin libres… de nos préoccupations quotidiens, des nos soucis habituels, en ce moment tellement insignifiants… On parcours quelques 300 ou 400 mètres avant de jeter l’ancre au beau milieu de la baie de Fréjus. La grande roue de Saint-Raphaël, magnifiquement illuminée, la musique entraînante du Festival du Jazz… je me pose enfin sur la banquette dehors, tout simplement heureuse… Et crevée aussi. Patrick a l’air déjà à moitié endormi. Nous voyant dans cet état, Julie prend l’initiative de se préparer son dîner toute seule, et sort une boîte de taboulé. La lune se lève, grande et majestueuse au dessus de Saint-Raphaël. Je ferme les yeux juste pour un moment…
Quand je les rouvre il est déjà 7 heures du matin et Patrick, une tasse de café fumant à la main, bricole à son ordinateur. « J’ai une mauvaise nouvelle » – me dit-il en guise de bonjour. Je retiens mon souffle persuadée que seulement une panne majeure de moteur ou une voile trouée pourrait le mettre dans cet humeur sinistre. « Le petit modem wi-fi ne marche plus ». Oufff – j’ai envie de rigoler, mais c’est vrai – c’est plutôt embêtant. Comment vais-je publier mon blog, sans parler de travailler un peu ? « On doit rentrer au port » continue Patrick, « pour réparer le modem avec notre réseau habituel ».
Je n’ai jamais vraiment fait attention, mais le Port-Fréjus est particulièrement mignon et accueillant à l’entrée. C’est comme si je le découvrais pour la première fois de ma vie, en me sentant quand même chez moi. Patrick descend en bas, pour demander à la capitainerie la permission d’accoster :« Port-Fréjus, Port-Fréjus de Carpe Diem ! Est-ce qu’il est possible de nous remettre à notre place pour une heure ou deux, le temps de réparer une petite panne informatique, svp ? » Et là, la voix de Coraline retentit dans le haut-parleur : « Négatif Carpe Diem. Mais enfin, partez et amusez-vous bien ! »
2 Comments
Et bien C’est des super résumés de la situation … je vous souhaite un excellent périple avec tout pleins de bons moments et zéro galère mécanique ou autre. Et surtout de belles photos !!
Merci Franck pour ton commentaire 🙂 Pas facile de faire de belles photos quand le sol bouge sous tes pieds, mais je m’applique… enfin j’essaie 😉 Grosses bises à toute ta famille et bonnes vacances!