27 décembre 2015
J’adore la période de Noël en Pologne : l’odeur des oranges, de la cannelle et des gâteaux sortant du four, le son des clochettes du traîneau du Père Noël dans les chansons à la vielle radio de la cuisine, les décorations scintillant partout dans les rues… Cette fois-ci il y avait quand même une chose qui manquait péniblement au bonheur : le temps. Le temps de se promener tranquillement, de discuter avec ma maman et de refaire le monde entier autour d’une tasse de café, sans qu’elle regarde sans cesse l’horloge sur le mur, comptant les minutes qui restent pour sortir le gâteau du four, la viande du feu, les pierogi du frigo… Et si plus rien n’était en train de cuire ou en attente de son tour de cuisson, ma maman sortait son grand brouillon et commençait le processus de rayage des tâches déjà accomplies et surtout, l’ajout de nouvelles, qu’elle venait d’inventer à l’instant pour rendre nos fêtes encore plus savoureuses et parfaites.
Le temps de se promener tranquillement, de discuter avec ma maman et de refaire le monde entier autour d’une tasse de café…
Et nos fêtes étaient bien parfaites, même un peu trop au niveau des calories et de l’apport des matières grasses ou sucrées complètement inutiles, mais si délicieuses pour nos palais. Le dernier jour de nos vacances en Pologne, on n’en pouvait plus et une envie irrésistible de se dégourdir les jambes sur les pavés de la vielle ville de Wroclaw, se fait sentir. Accompagnés par ma sœur, ma belle-sœur et ma nièce (ma maman même après Noël s’est mis la pression de nous préparer les meilleurs cheesecake et cake aux fruits confits de monde juste pour la route…) nous sommes partis à la ré-découverte de la ville de mon enfance.

Enorme sapin « Roblot » à Wroclaw
Nous nous sommes garés sur le parking de Nowy Targ, qui, depuis notre dernière visite il y a trois ans, est descendu dans les sous-sols, laissant la place sur la surface aux bancs-poubelles assez bizarres, quelques arbres plutôt naissants, et surtout à l’énorme sapin décoré par une multitude de guirlandes aux couleurs aussi flashies les unes que les autres. Comme une gamine de 4 ans je suis resté bouche bée, les yeux rivés sur cette espèce de conifères inconnue de la science quand Patrick a déclaré avec une grande dose de scepticisme :
– « Sont bizarres ces Polonais, de mettre les couleurs de Roblot aux décorations de Noël… »
Ben moi, ça ne m’a pas choqué.

Devant Ratusz – l’hôtel de ville de Wroclaw
Ne voulant pas m’impliquer d’avantage dans la discussion sur les différences culturelles entre la Pologne et la France, concentrées étrangement pour cette période de l’année, autour de sujets mortuaires comme les cyclamens, qui en Pologne sont perçus comme les fleurs d’hiver, offerts massivement à des divers occasions aux personnes vivantes, mais qui sont réservés uniquement (selon mon mari) aux morts en France, j’ai préféré de presser le pas et trouver des choses intéressantes à photographier. Et je n’étais pas déçue. Sur chaque coin de rue, une jolie porte, une entrée de restaurant, d’un bar, ou d’une église m’invitaient à les admirer à travers l’objectif de mon appareil. Je dois admettre que le centre-ville a énormément changé depuis mon départ en 2002. Les maisons de Rynek, la place centrale, ont été rénovés avec goût et respect de l’architecture traditionnelle, mais agrémentées quand même d’une petite touche de modernité. Et comme du temps de mes études, des masses de jeunes trouvent leur repère sur les marches de Pregierz, un vieux pilori ou sous la statue d’Alexandre Fredro, un poète-écrivain comique et frivole du XIX siècle.

Le panorama festif de centre-ville de Wroclaw
Devant Ratusz, l’hôtel de ville, un gigantesque arbre de Noël, tout de bleu vêtu, scintille dans la nuit de cette fin d’année douce et pas vraiment hivernale. La vue est tellement magnifique que je ne peux m’empêcher de mitrailler le sapin sous tous les angles possibles, essayant de trouver « LA » composition qui ferait de ma photo un cliché unique. L’œil collé au viseur je contourne l’arbre tel un chien qui ne sait pas par quel côté commencer son os, et là … tous les éléments de la photo idéale se réunissent comme par magie. Je cadre un peu plus large pour avoir le sapin, la tour de Ratusz et mon petit bonus : un petit perchoir, sorti droit du film Blanche Neige de Disney, le puits en moins, avec des colombes d’un blanc immaculé, assis dessus telles des statues vivantes. Je retiens ma respiration pour éviter le flou sur ma photo et j’appuie délicatement sur le déclencheur quand une grosse tâche blanche non-identifie, remplit entièrement le cadre. En un second quelqu’un m’enlève mon appareil des mains et me file un pigeon blanc en échange, en disant « Smile! Smile ! » J’essaie de protester, en secouant la main avec le pigeon toujours collé dessus, et expliquant que mes réglages ne conviennent pas de tout pour un portrait, mais le propriétaire de l’oiseau s’amuse comme un fou en découvrant le mode rafale et répète « Smile !» Je jette un coup d’œil au reste de la famille visiblement amusé et j’aperçois le regard médusé de ma nièce fixant le volatile. « Tu le veux ? » je demande soulagée de pouvoir m’en débarrasser avant qu’un besoin physiologique quelconque de mon compagnon à plumes se manifeste ou que le photographe en herbe épuise la batterie de mon appareil. « Tiens » je tends vers elle la colombe, mais, visiblement pas d’accord de changer de main sans préavis, elle reste accrochée à ma paume et bats les ailes furieusement. Julie se cache stratégiquement derrière sa cousine quand le propriétaire de pigeon nous vient en aide, sans pour autant me rendre mon équipement photographique. Si mon mari ne se tenait pas juste à côté, j’aurais sûrement commencé à paniquer. Mais une fois l’oiseau maîtrisé, la session photo en mode rafale reprend, accompagnée par d’autres « Smile » encourageantes. Je m’approche doucement et sans gestes brusques pour récupérer mon matériel, et le nouvel échange de marchandise se passe sans problèmes. Le pigeonnier s’attarde un petit instant de façon assez parlante, et je me presse de fouiller rapidement mes poches à la recherche de quelques sous polonais, pour un petit pourboire en guise de reconnaissance (assez mitigée pour ma part), mais ma belle-sœur est plus réactive : « Combien ? » demande-elle sans chichis. « 20 zlotych » répond le jeune homme. 5 euros…. Cela me semble plutôt beaucoup pour cette séance forcée, mais bon… c’est toujours Noël, non ?…

Au secours! Quelque chose s’est collé à ma main!
On continue la balade en passant par la rue Kuznicza jusqu’au magnifique bâtiment de l’université de Wroclaw. Durant mes 6 années d’études dans cette ville, seulement un cours a eu lieu entre ces murs historiques (anatomie de l’homme, que j’ai redoublé d’ailleurs. J’ai eu quelques lacunes au niveau du système vasculaire du foie…), mais cet édifice évoque chez moi un respect inconditionnel. Et on plus, agrémenté d’un petit sapin de Noël assorti… même sans neige l’esprit des fêtes est bien présent par ici.
On passe sous l’arche séparant la tranquillité de la vielle ville du vacarme de centre-ville et soudainement les voitures, les trams et les bus nous aveuglent avec une lumière vive et ahurissante. Ma sœur nous propose un itinéraire pour retourner vers le centre historique, mais la vue de l’Odra, le plus grand fleuve traversant Wroclaw, me donne une idée. Nous traversons le pont de l’université et découvrons un panorama d’une beauté exceptionnelle : le bâtiment entier se reflète dans les eaux vives du fleuve, en les faisant scintiller de milliers de feux. Tout le monde se prête au jeu pour trouver les meilleurs points de vue et sortent téléphones et Ipads pour immortaliser l’architecture nocturne de Wroclaw. Malgré le froid qui s’installe à proximité de l’eau, l’enthousiasme nous pousse de plus en plus loin, vers l’îlot Wyspa Slodowa, l’ancien lieu des concerts de rock, bien aménagé depuis ma jeunesse la plus tendre. On traverse encore un pont pour passer sur Wyspa Piaskowa, l’Île de Sable, de laquelle nous pouvons admirer l’incroyable panorama d’Ostrow Tumski, le plus vieux quartier de la ville, avec les deux tours de la Cathédrale de Saint-Jean-Baptiste de 1341. Une pépite sur le gâteau de cette balade nocturne, avant de quitter la maison familiale pour reprendre la route vers l’ouest.

Vue sur Ostrow Tumski et la Cathédrale de Saint-Jean-Baptiste dans le plus vieux quartier de Wroclaw
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