mercredi 5 juillet 2017
La nuit est courte en sommeil et assez difficile, même si la mer reste calme et la lune brille sur un ciel étoilé. Une humidité incroyable s’abat sur le bateau et très vite des petites gouttelettes transpercent le tissu du bimini pour nous tomber dessus.
Je choisie le premier quart de nuit. Mon livre vient de prendre une tournure super intéressante et je suis persuadé qu’il va me tenir éveillée une bonne partie de la nuit. Mais au bout d’une heure, les ronflements de Julie, couchée sur la banquette en face, me donnent sommeil à mon tour. Je baille et je frotte mes yeux pour chasser le marchand de sable. En plus il fait froid et j’ai de plus en plus de mal à m’extirper de dessous ma couverture pour vérifier s’il n’y a pas d’obstacles sur notre route.
Mon soulagement est immense quand, vers minuit, Patrick émmerge de la cabine avant pour me relayer. Allez, vite, je m’installe confortablement emmitouflée dans la couverture polaire, prête pour deux heures du sommeil réparateur. Je colle ma tête sur l’oreiller et… rien! J’ai beau serrer les paupières de toutes mes forces, je n’arrive pas à m’endormir. La faute est un peu du côté de Patrick, qui n’arrête pas de bouger. Il vérifie l’auto-pilote, il descend en bas faire chauffer de l’eau pour le café, il revient derrière la barre regarder les cadrans, il repart pour préparer le café, il remonte, il vérifie la route… ça n’arrête pas. Rien à voir avec ma stratégie de rester calmement dans un petit coin, tout douillet et attendre que les heures passent…
rester calmement dans un petit coin, tout douillet et attendre que les heures passent…
J’ai l’impression d’avoir fermé les yeux deux minutes quand Patrick me secoue doucement:
– Ewa, tu peux reprendre le quart? Il est 2h30…
Et rebelote. Cette fois c’est encore plus difficile. Je joue avec mon téléphone, je bouquine, je ferme les yeux juste pour quelques secondes… Vu les torticolis , ma tête a dû sombrer quelques bonnes fois dans les abysses. Enfin, à 4h45 je réveille Patrick. Lui aussi a du mal à reprendre son quart mais je chasse vite fait cette petite note de culpabilité, qui surgit en le voyant sortir péniblement du lit chaud et enfiler une veste. A mon tour je plonge rapidement sous la couverture et cette fois ci, je m’endors quasi instantanément.
Au moins jusqu’à 6h15 quand mon réveil se remet à chanter… Je ne sais pas si tout le monde fait pareil, mais moi, je choisie pour mon alarme du matin une chanson qui donne du peps. Autant mettre toutes les chances de son côté en se réveillant avec optimisme, non? Mais là, au lieu de l’optimisme et de la bienveillance les premiers son du refrain suscitent plutôt l’énervement extrême.
Je me relève péniblement et là, un spectacle incroyable s’offre à mes yeux: la surface de la mer, lisse et brillante comme un miroir, réfléchi les premiers rayons du soleil levant, illuminant tout autour de nous. Je réveille Julie pour qu’elle puisse assister à son tour à ce moment magique. Comme une cerise sur le gâteau elle s’exclame:
– Et en plus il y a les dauphins…!
C’est vrai, une bande de cétacés surgit au loin en brisant la surface de l’eau en sautant. Il sont trop loin pour que je puisse les photographier (j’ai essayé quand même), mais juste le fait de les regarder nous met le sourire aux lèvres. Et en plus une nouvelle bonne surprise fait son entrée: une bonne tasse de café chaud. Réveillé par nos cris d’émerveillement Patrick se joint à nous. Une matinée de pur bonheur.
Je ne réussit pas à rester éveillé longtemps et à la prochaine réouverture des yeux je vois Patrick manipuler la canne à pêche.
– Il y a des bancs de thons ou de bonites qui chassent, m’explique Julie. On va essayer d’un pêcher un.
C’est assez marrant l’intérêt de notre fille pour la pêche. Quand quelques minutes plus tard, un familier “bzzzzz” retentit, elle est la première à se lever d’un bond, pleine d’espoir et d’excitation. Patrick lui emboîte les pas mais n’a pas le temps de s’emparer de la canne, quand un autre son, beaucoup moins drôle, coupe court tout leur enthousiasme. “Bang!” Le fil de pêche vient de rompre, emporté par le poisson bien trop combatif pour notre matériel. Pas de carpaccio de thon à midi…
La matinée passe vite, entre la somnolence et les bouquins, et bientôt les contours de la Corse se dessinent à l’horizon. Le nez de Carpe Diem se dirige vers le petit espace entre la pointe du Cap Corse et le rocher de Giraglia. C’est cet endroit qui subit les déchaînements des forces de la nature chaque fois qu’on parle d’un coup de vent en Méditerranée. Ici les vents de 150 km/h et les vagues de 7-8 mètres ne sont pas exceptionnels, mais pour aujourd’hui le roi Neptune nous offre sa grâce: la mer est à peine froissée et le vent faible. On aperçoit les bateaux mouillés entre Tollare et Barcaggio et une petite idée de mouiller à notre tour dans cet endroit, aussi peu accueillant d’habitude, nous effleure l’esprit. Mes nos deux matelotes ont trop envie d’arriver pour nous permettre une escale supplémentaire. On passe sur la côte Est de l’Ile de Beauté.
Le soleil se couche derrière les montagnes quand on arrive devant la citadelle de Bastia. On ne peut pas dire que c’est le plus beau mouillage du monde. En fait on n’est même pas sûrs que ce soit un mouillage officiel, mais chaque fois qu’on vient dans ce coin de la Corse, on prend un plaisir inexplicable de jeter l’ancre en face des vieux murs de la citadelle, avec les lumières des lampadaires nous accompagnant jusque tard dans la nuit.
Une petite baignade pour tous les quatre dans les eaux chaudes, limpides et sans la moindre vague, et nous voilà prêts pour notre première nuit en Corse.
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