jeudi 6 juillet 2017
Le matin nous accueille avec une vue splendide sur la citadelle et le vieux port de Bastia. Le soleil levant habille les façades des bâtiments de couleurs chaudes, la mer est calme, lisse et seulement quelques vaguelettes de temps à autre nous rappellent qu’on est toujours en mer.
Après un bon café (façon de parler, depuis presque 10 ans nous buvons de la Ricoré) nous décidons enfin de lever l’ancre et nous mettre au port. Patrick passe quand même un petit coup de fil amical à la capitainerie, pour les prévenir de notre arrivée et nous voilà entrant dans cette marina si familière. Quelques nouveautés ont fait leur apparition durant notre absence: les bateaux sur la digue sont attachés maintenant aux bouées, barrant avec leur longues amarres presque la moitié du passage. Une sacrée toile d’araignée, qu’il faudrait mieux éviter de ramasser avec son hélice.
Pour changer un peu plus nos habitudes, cette fois on nous guide vers un quai situé coté restaurants, en plein milieu de vieux port. Deux employés de la capitainerie viennent nous accueillir sur le ponton et récupérer nos amarres.
– Vous avez ici l’électricité et l’eau, explique l’un d’eux en montrant la borne, et après il faut…
– Que je vous passe notre livret de francisation? – je l’interromps, habituée de la procédure. J’arrive dans 5 min.
– Ah non, surtout pas, s’exclame le marin. Il n’est même pas 8 heures du matin. On a toute la journée pour le faire…
Après tout, pourquoi se gâcher une belle matinée comme aujourd’hui avec une tonne de paperasse?
On flâne, on décompresse, on commence à sentir enfin le goût des vacances. On boit une petite Pietra au bar du port, on monte dans la ville pour faire quelques courses… Patrick, persuadé de trouver un raccourci, nous guide à travers des petites ruelles et de centaines de marches, sous le soleil de plomb. On laisse le travail pour cet après-midi. Pour moi c’est l’ordi, comme d’habitude. Patrick veut réviser le moteur du zodiac et réquisitionne Julie comme technicienne adjointe, ce qui signifie en réalité d’être son bras extensible pour atteindre les outils éparpillés de partout dans le cockpit. Entre les injures à l’adresse du moteur pas du tout coopératif, j’entends Julie jouer avec Kiki à la cabane. La pauvre chienne souffre de la chaleur du port, surtout avec ses poils de la mi-saison, qui ne sont toujours pas partis entièrement. Avec beaucoup d’imagination, à l’aide des coussins de bains de soleil et des serviettes, Julie confectionne un après l’autre de nouveaux abris, mais sans succès. Après les avoir tous essayés, Kiki se met sur le pont, la langue pendante, essoufflée.
Soudainement une idée jailli dans ma tête – le taud triangulaire, que j’ai acheté l’année dernière… Un bout de tissu avec des ficelles dans chaque coin, qu’on pourrait étendre sur le pont au-dessus de la bôme pour faire une zone d’ombre supplémentaire et bien ventilée. On déplie la toile et on essaie de la positionner de façon, qu’elle ombrage la plus grande surface possible. Mais peu importe de quel côté on s’y prend, il y a toujours un bord qui pendouille, complètement dépourvu de tension. Ça commence à jouer légèrement sur mes nerfs: pourquoi on ne pourrait pas se contenter des tauds rectangulaires, symétriques, faciles à déployer? Quelle idée d’inventer un truc à trois côtés et en plus, sans aucun axe de symétrie apparent? Au bout de dix minutes je perds patience. Julie attache un sommet à la filière et moi, sans beaucoup d’espoir, je fixe le deuxième, en attachant carrément le tissu autour d’un hauban. Ça a l’air de marcher! Je recule d’un pas pour bien visionner l’endroit pour le troisième coin et là… Vous vous rappelez Alice aux Pays de Merveilles qui tombe dans un trou de lapin, qui semble ne pas avoir de fin? C’est ce qui m’arrive… Mon pied gauche s’enfonce droit au milieux du petit hublot sur le pont, donnant sur la cuisine. Ce qui durera peut-être qu’une seconde, me sembla une éternité, tellement le vide sous mon pied paraît interminable. Enfin mes fesses bouchent le trou avec fracas, l’autre jambe pliée dans une position peu naturelle. Aie!!!
La douleur est vive mais ma conscience me dit que ça pouvait être pire: une jambe casée, le crâne fracassé contre un chandelier… Je sors mon membre endolorie de ce trou béant, tout en pestant contre l’idiotie de celui qui a laissé cette fenêtre ouverte (il se peut quand même que c’étais moi), et je finie d’attacher le taud. C’est plutôt pas mal. Julie s’installe dessous et appelle Kiki de la rejoindre. La chienne monte sur le pont, s’assoie deux secondes puis repart se coucher derrière, en plein soleil. Tout ce sacrifice pour rien…
Du coté de Patrick les affaires n’avancent pas mieux. Le moteur refuse de démarrer et même nos voisins du quai ont de la peine pour ce capitaine, qui s’acharne sur le démarreur avec une furie coriace. Vers 20h30 il abandonne. Comme il est prévu que demain nous louions une voiture, pour faire un tour du Cap Corse, on va faire une halte chez le mécanicien du coin, pour qu’il y jette un coup d’oeil. On peut penser au programme de la soirée maintenant. Pour Julie la priorité c’est la baignade. On n’a pas de moteur mais on a les rames. On gonfle le zodiac en l’étalant bien sur le pont et un quart d’heure plus tard, on le glisse dans l’eau, à côté du bateau. En mettant mon maillot j’aperçois d’énormes bleus qui commencent à se former sur ma cuisse et mon fessier gauche. Ceux que j’ai pu “gagner” au Krav Maga cette année deviennent carrément insignifiant à côté…
Prêts et parés pour de nouvelles aventures nous embarquons tous les quatre dans le zodiac pour une petite baignade à l’extérieur du port. Julie se porte volontaire pour ramer mais au bout de cinq minutes sans avoir quitté notre rangée de bateaux, je me sens obligée de prendre sa place. Sans le soleil, couché derrière les montagnes, la nuit tombe déjà et quand on arrive sur le lieu de baignade, en pleine mer, on est obligé d’allumer une petite lampe. Kiki, Julie et moi sommes les premières à nous rafraîchir. Mais une fois dans l’eau, une question se pose toute seule: comment va t-on regagner l’intérieur du zodiac? Cette nouvelle embarcation, contrairement à l’ancienne, ne possède aucune facilité pour se hisser à son bord. Je bénis dans ma tête l’heure tardive et le pénombre autour, contente qu’au moins personne ne verra mes fesses bleutées se tortiller dans tous le sens. Mais ensuite une idée me vient: et si on attachait une partie du bout à une poignée et l’autre à l’anneau derrière? Ça créerait une sorte de courte échelle pour se hisser à bord… Patrick reste sceptique mais je tente le coup. Ça a l’air de marcher. A son tour Patrick rejoint Julie et réussit ensuite de revenir à bord. Nous pouvons rentrer.
La soirée bat à son plein quand nous décidons d’offrir à Kiki une dernière balade nocturne. Le centre ville, même si pas encore blindé de touristes, est très animé. Nous assistons un court moment à un festival de tango argentin sur une place de l’église, avant de nous reposer autour d’une Pietra dans un bar local. Un duo de jeunes hommes avec leurs guitares, chantent en parfait harmonie les plus belles chansons corses. Une magnifique parenthèse pour cette belle journée.
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